J’ai 46 ans, parfumeuse depuis plus de 20, ma société HF Perfumes a quant à elle fêté ses 6 ans.
Je suis passionnée par les odeurs depuis l'enfance et j'aime faire rêver les gens et leur provoquer des émotions avec les odeurs.
Mon entreprise est spécialisée dans la création de parfums et d’ambiances olfactives pour l'industrie du Luxe et de la cosmétique. Bien que mes clients soient aux 4 coins de la planète, mon marché se concentre principalement sur l’Europe et le moyen orient.
J'interviens aussi comme formatrice dans mon ancienne école l'ISIPCA afin de transmettre mon savoir-faire en création d'odeurs aux étudiants de Master 2 et 3; et d'autre part à l'UESS de Forcalquier pour familiariser les futurs savonniers diplômés au vocabulaire olfactif.
Je suis membre de la SIPC (société internationale des parfumeurs créateurs), de la marque Grasse Expertise qui valorise les savoir-faire liés aux métiers de la Parfumerie et des arômes, et du CJD section Cannes Sophia Antipolis.
Je suis aussi la maman d’un jeune adolescent et en couple avec Stéphane, lui-même papa de deux enfants.
Comment avez-vous vécu ce début de crise ?
Le début de crise a été un gros coup de frein concernant l'envie de développement que j'avais prévu pour cette année.
Lucide quant à la durée du confinement malgré la première période imposée de 15 jours, j’avais anticipé le prolongement, ce qui m’avait permis de me préparer.
Ayant un peu de trésorerie, je n'ai pas eu besoin d'effectuer les démarches de demandes d'aide de l'état mais surtout l’envie au risque de priver un autre entrepreneur dans le besoin.
J'ai recommencé à regarder les actualités, une habitude que j’avais perdu depuis plus de 3 ans. Les messages anxiogènes m’ont très vite rappelé pourquoi j’avais abandonné cette activité.
Psychologiquement ça allait plutôt bien. Je me suis dit que je n'avais pas le choix et que c'était un événement indépendant de ma volonté et que je devais donc attendre que ça se passe tout en préparant la suite.
J'ai pris des nouvelles de mes clients tout en les rassurant dans la pérennité de notre collaboration.
Comment vous êtes-vous organisé ?
La partie création peut se faire n'importe où dès l'instant que je suis connecté. Je me suis donc organisée pour rapatrier l’ensemble de mes documents nécessaires et je me suis installée chez moi.
Un fonctionnement qui me parut asse facile car il m’a rappelé mes 3 premières années d’entreprenariat.
Toutefois, la partie pesée étant obligatoirement faite en laboratoire, je n'ai pas pu éviter de me déplacer.
En parallèle et durant les deux premières semaines j’ai dû m’adapter à mes nouvelles fonctions d’enseignant de 4ème, pour aider mon fils à suivre ses cours par internet sur des matières compliquées pour lui comme les maths, l’anglais ou le français tout en gardant un œil sur les autres disciplines qui lui paraissent plus facile. Un agenda bien chargé avant les vacances pour une maman entrepreneur, qui devait jongler entre les cours du matin, les cours de l'après-midi, et mon activité jusqu'à la nuit tombée.
Comment voyez-vous la reprise et les changements de demain ?
Les projets de développements sont vraiment au ralenti, presque à l'arrêt. Je n'ai aucune visibilité sur le deuxième semestre, il va falloir que je sois patiente, c'est même peut-être là que je vais avoir le plus besoin d'aide. J'ai vraiment hâte de pouvoir ressortir pour revoir mes clients, et surtout mes proches.
J'ai parfaitement conscience que nos modes de travail et de consommation doivent changer. Je suis déjà très attentive sur ma façon de travailler et de consommer et je me pose beaucoup de questions quant à l'avenir de mon métier.
Il y a beaucoup de choses dont je n'ai pas eu besoin jusqu'à présent et je pense que je continuerais à me poser des questions à savoir est-ce vraiment utile et indispensable ? Comment puis-je faire pour m'en passer ? Que puis-je utiliser d'autre pour respecter encore plus mon environnement ?
Des questions pour mon entreprise mais tellement personnelles.
Cet évènement doit être une prise de conscience générale. Nous devons observer une relocalisation des industries aider par un gouvernement qui allègera les charges liées aux emplois afin d'avoir des prix raisonnables pour l'ensemble de la population. L'entraide doit persister et s’étendre.
Toutefois, je redoute que le déconfinement s’accompagne de surconsommation et de surproduction. Moi-même je suis dans l’excitation de pouvoir enfin sortir, voyager, m’amuser, etc...l'idée m'effleure chaque jour mais je réalise très vite que si tout le monde en fait de même c’est une fois de plus la planète qui en subira les conséquences.
Nous devons tirer une expérience de cette crise et changer notre comportement social, sociétal et environnemental.
Photo : DR Hélène Prevot HF Perfumes / Auteur : DR Hélène Prevot CH