C’est la plus commentée des trente-sept propositions du rapport Nogal, commandé par le Premier ministre à la mi 2019 après la publication de la loi ELAN : le fichier des incidents de paiement locatifs est l’objet de vives critiques, par les associations de locataires et même par le ministre chargé du logement, Julien Denormandie, qui se dit « totalement opposé » à ce qu’il considère comme « une liste noire ».
L’association nationale de défense des consommateurs et usagers CLCV dénonce de son côté une proposition « scandaleuse », « attentatoire à la vie privée » et « source de discrimination et de stigmatisation » estime Jean-Yves Mano, président de la structure, cité par Le Figaro (24/01).
A l’origine, la mission confiée au député Mickaël Nogal (LREM, Haute Garonne) avait pour but d’explorer des pistes de nature à « susciter un nouvel élan dans la mise sur le marché de logements locatifs privés en rassurant les bailleurs privés », allant jusqu’à une évolution du modèle des agences immobilières dans leur activité de location.
La FNAIM des Alpes-Maritimes a fait savoir lors d’un point presse qu’elle n’est pas expressément « demandeuse » de ce fichier mais que le déséquilibre de protection entre le propriétaire et le locataire accentue la tension sur le marché. Nombre de bailleurs privés préfèrent laisser leur logement vacant – ou l’exploiter sur les plateformes de type AirbnB – plutôt que de le proposer à la location vide.
Au niveau national, Julien Denormandie estime à 1% le nombre des impayés de loyer. Un niveau « sensiblement supérieur » sur la Côte d’Azur ressenti par la FNAIM, même s’il n’existe pas de statistiques « officielles » à ce sujet. Pour la Fédération des agents immobiliers, ce fichier découlerait « directement de la garantie obligatoire des loyers que devrait assumer personnellement le professionnel », autre proposition du rapport Nogal. « Si ce dernier est responsable sur ses deniers propres du paiement des loyers, il doit pouvoir choisir un locataire solvable et minimiser le risque d’impayés, en ayant accès à son historique de règlement des loyers. En fixant le curseur d’inscription sur ce fichier à plusieurs mois d’impayés (3 mois ou 6 mois sont actuellement évoqués), on écartera les victimes de difficultés passagères pour cibler les mauvais payeurs chroniques, dont on constate d’ailleurs aujourd’hui qu’une part non négligeable jouit de revenus suffisants pour faire face à leur obligation ».
Fichier ou pas ? Si la question divise, il lui reste aussi à passer l’épreuve de la CNIL, et ce n’est pas forcément gagné à l’avance…
Photo : DR / Auteur : CH