Les professionnels du bois tirent le signal d'alarme sur l'objectif de neutralité carbone des bâtiments que s'est fixé la France pour 2050. Cette ambition exige en effet une inflexion dès aujourd'hui, car la trajectoire prise ne semble pas être la bonne, comme l'illustre le cas concret des JO de Paris. Cependant, les professionnels restent optimistes et estiment qu'il n'est pas trop tard pour réussir. Face à ce défi d'envergure pour le secteur de la construction, ils appellent à la mobilisation pour que le rythme d'intégration des matériaux biosourcés soit désormais renforcé et les anciens réflexes de construction modifiés, au profit de l'innovation environnementale.
Par exemple, les prochains JO 2024 de Paris, qui constituent un test grandeur nature pour les constructions bas carbone, laissent craindre un recours encore trop marqué à des procédés de construction émissifs... De plus, ils révèlent de réels dysfonctionnements dans les calculs de l'empreinte carbone des matériaux de construction. Ils ne prennent pas totalement en compte les gaz à effet de serre (GES) dégagés lors de leur fabrication. Ainsi les émissions dans l'air dues aux combustibles utilisés, de type pneus et huiles usagés, pour produire le ciment bas carbone ne sont pas prises en compte dans l'Analyse de Cycle de Vie des ciments, ni celles des co-produits (laitiers de hauts fourneaux) intégrés pour promouvoir des fabrications de ciments pourtant dites « bas carbone ». Une erreur qui réduit en particulier jusqu'à 20 % l'impact carbone du ciment dit bas carbone par rapport à la réalité.
Pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et lutter contre le changement climatique, les professionnels de la filière bois demandent des méthodes de calcul équitables pour des comparatifs fiables. Ainsi, le bois et les matériaux biosourcés pourront faire valoir leurs atouts et les décideurs procéder à des choix éclairés entre les différents matériaux de construction.
Eco-matériau léger et performant, le bois a également l'avantage indéniable d'être une ressource naturelle renouvelable, qui stocke du CO2 au lieu d'en produire. On estime qu'aujourd'hui, bois et forêts permettent ainsi de décarboner la France d'environ 26 % de ses GES. Un véritable atout pour le secteur du logement qui est, à ce jour, responsable d'environ 25 à 30 % des émissions de gaz à effet de serre du pays. On estime ainsi que si l'utilisation des produits bois dans le bâtiment doublait (4,2 millions de tonnes actuels à 10 millions), le bâtiment pourrait réduire ses émissions de GES de 30% par an, soit 11 millions de tonnes de CO2 en moins[1] chaque année.
Transparence / incitation / obligation : trois actions clés pour relever le défi des constructions bas carbone
Afin que le bois et les matériaux biosourcés puissent contribuer à atteindre l'objectif de neutralité carbone de la France d'ici 2050, les professionnels de la filière bois appellent à la mobilisation urgente de tous les acteurs du secteur du bâtiment à travers trois actions clés :
• La transparence des calculs de l'impact carbone des matériaux pour établir des comparatifs équitables. Tous les matériaux doivent utiliser les mêmes méthodes de calcul afin de quantifier leur impact carbone déclaré dans les Fiches de Déclaration Environnementale et Sanitaire (FDES). Aujourd'hui, cela n'est pas le cas puisque, pour certains composants minéraux, les données relatives aux GES émis lors de l'étape de fabrication, et parfois tout au long de la vie du bâtiment, ne sont pas correctement prises en compte.
De plus, la filière bois souhaite, comme elle le fait, que tous les matériaux dits bas carbone soient en mesure de fournir la preuve de cette allégation. Pour sa part, c'est à travers son outil « France Bois Traçabilité », qu'elle informe les promoteurs-constructeurs sur ses bois d'origine française et en provenance de forêts gérées durablement. Elle souhaite que cette démarche vertueuse soit étendue à tous les matériaux.
• L'incitation à la labellisation des bâtiments pour qualifier de façon crédible leur participation à la réduction des GES : l'utilisation du Label « Bâtiment Biosourcé » va en ce sens. La formation des élus et des décideurs doit également être un axe fort.
• L'obligation d'intégrer des exigences fortes dans le domaine des matériaux carbone dans la Règlementation Environnementale 2020 (RE2020), en particulier un plafond pour les émissions de gaz à effet de serre et un seuil pour le stockage du carbone de l'atmosphère dans les matériaux de construction.
Luc Charmasson, Président du Comité Stratégique de la Filière Bois (CSF), précise : « Notre filière bois ne lutte pas à armes égales avec les autres matériaux de construction. Bien sûr, tous les matériaux travaillent aujourd'hui à diminuer leur impact carbone et c'est louable. Cependant, il faut que nous nous mettions d'accord sur les méthodes de calcul. Elles doivent être équitables, sinon, aucun comparatif n'est possible et les bons choix ne pourront pas être faits pour que la France atteigne la neutralité carbone en 2050. Si nous prenons le cas du ciment bas carbone, les émissions dans l'air de son procédé de fabrication ne sont pas intégralement prises en compte. Il est pourtant fabriqué en chauffant à très haute température, plus de 1400 °C, deux matières fossiles que sont le calcaire et l'argile. À l'inverse, le bois est une matière renouvelable, qui pousse naturellement dans les forêts et surtout, stocke du carbone... En valorisant le bois, la filière Forêt-Bois est consciente de sa responsabilité en matière de gestion raisonnée de la forêt française, enjeu majeur de la richesse nationale. Prenons en compte l'empreinte carbone des matériaux de construction dès leur production ! Remettons les méthodes de calcul à plat. L'enjeu de décarbonation est capital, il en va de la lutte contre le réchauffement climatique et de l'exemplarité de la France en matière d'innovation. »
JO 2024 : le bois doit avoir encore plus de place dans la compétition
Les constructions olympiques constituent des vitrines du savoir-faire de la France en matière de décarbonation. Le pays s'est ainsi engagé à réduire l'empreinte carbone globale des JO de 50 % par rapport à ceux de Londres de 2012 et de 30 % pour la construction des bâtiments. Alors que les JO de Paris arrivent à grands pas, les professionnels du bois dans la construction s'inquiètent de ces objectifs qui pourraient ne pas être atteints. En effet, aujourd'hui, la filière bois considère qu'en raison des calculs sous évaluant les émissions nettes des GES des ciments dits bas carbone, le bois ne semble pas prendre la part qu'il devrait avoir dans les constructions olympiques malgré son empreinte carbone réduite. Pour les plus hauts bâtiments prévus pour les Jeux (9 à 12 étages), les professionnels estiment qu'il est probable qu'aucun ne bénéficiera de structure en bois, même s'ils pourraient cependant être majoritairement en façade à ossature bois, ce qu'ils encouragent, au même titre que les menuiseries, les agencements ou les parquets bois. Pour les bâtiments ne dépassant pas 8 étages, la filière évalue que seules 50 % des réalisations seront à structures bois (à l'exception des lots en propre de la Société de Livraison Des Ouvrages Olympiques (Solideo) qui devraient dépasser les 80%), contre les 100 % initialement prévues. Les professionnels du bois s'inquiètent de ces choix, orientés vers des matériaux non réellement bas carbone. Ils pourraient peser lourd sur le bilan carbone des JO 2024.
Le bois dans la construction : le choix du bas carbone vert
Faire le choix du bois dans le domaine de la construction relève d'une démarche responsable et durable. Outre l'avantage d'être renouvelable, son empreinte carbone est en effet particulièrement faible puisqu'il présente le double avantage d'être moins émissif pendant sa phase de fabrication et de stocker du CO2 sur l'ensemble de son cycle de vie qui peut être très long. Le bois permet ainsi de lutter contre le réchauffement climatique. En forêt, les arbres absorbent le CO2 grâce au phénomène naturel de la photosynthèse. Moins énergivore pour sa transformation, une fois coupé et utilisé dans les constructions, le bois continue de stocker ce CO2 emmagasiné. De plus, l'utilisation du bois dans la construction permet de préserver des ressources épuisables de la planète utilisées dans d'autres matériaux de construction. Son utilisation permet aux forêts de se développer en coupant les arbres matures pour laisser la place aux jeunes pousses qui capteront à leur tour du carbone. La gestion durable des forêts permet d'entretenir les poumons de la planète.
Photo : DR Comité Stratégique de Filière Bois / Auteur : DR Comité Stratégique de Filière Bois